La crise jette dans la rue huit millions de pauvres, selon le rapport du Secours catholique.
Le constat est réducteur pour Christian Jacquiau, économiste critique. Les politiques ne peuvent en effet se dédouaner de leur responsabilité dans le délabrement du tissu social.
· Le Secours Catholique publie aujourd'hui son
rapport annuel « Ressources, crise et pauvreté ». Le constat est sans surprise.
Le nombre de situations aidées par le seul Secours Catholique en 2009 a augmenté pour la seconde année consécutive.
« La crise a frappé durement l’économie des pays européens et au moment où nous publions ces statistiques, la politique de rigueur impose des
coupes budgétaires qui toucheront également les familles les plus modestes et les dépenses sociales », peut-on lire en introduction de ce rapport accablant... Pour le politique.
Car si le constat est imparable et les chiffres incontestables, l'argument trop facile de « la crise » (sur 20 pages le mot est cité à 17
reprises) apparaît ici comme un quitus donné aux politiques les dédouanant de toute responsabilité dans ce que nous sommes tacitement invités à admettre comme une fatalité.
Trop commode crise qui tend à nous faire oublier que la misère, la pauvreté et la précarité ont pour
origine essentielle l'absence d'emplois dignement rémunérés, résultant elle-même de choix et décisions éminemment politiques.
Comment prétendre régler le problème du chômage et du mal-emploi lorsque nos élites politiques et
économiques s'évertuent - au nom de l'impérative nécessité de compétitivité - à ériger le dumping social en mesure de la performance managériale
?
Comment croire que la tendance puisse se retourner alors que les plus hautes instances de l'État favorisent l'échange de contrats prétendument
mirifiques avec la Chine contre le transfert de savoir-faire technologiques qui dès demain se traduiront immanquablement par de nouvelles délocalisations, accompagnées de leur cohorte de laissés
pour (solde de tout) compte ?
La France compte huit millions de pauvres. L'équation est toujours la même. Au-delà des destructions directes d'emplois : moins de paysans, moins de
commerçants, moins de petites et moyennes entreprises (PME), c'est mathématiquement moins de cotisations patronales et salariales, moins d'impôts levés,
moins de financements pour les services publics (hôpitaux, écoles, etc…) et moins pour les transferts sociaux (sécurité sociale, retraites, etc.). Simple. Simpliste même.
Trop sans doute pour qu'elle puisse être comprise de ceux qui dessinent notre avenir, en s'appliquant à préserver le leur et celui de leurs
amis.
Pire encore. Privé des ressources indispensables au bon fonctionnement des rouages de l'État, le pouvoir coupe scrupuleusement dans les budgets
sociaux, ce qui ne fait qu'empirer la situation des plus démunis.
Pour autant, le politique n'est pas inactif. Et il tient ses promesses. Celles faites au Medef de réaliser le vieux
rêve libéral défini dès 1995 par le président d'ABB (Asea Brown Boven) (1), comme la liberté pour son groupe « d'investir où il veut, le temps
qu'il veut, pour produire ce qu'il veut, en s'approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions
sociales ». La machine ne peut dès lors que s'emballer.
Et il est à craindre que l'engagement et la motivation exemplaire d'une foule de bénévoles - dont il faut ici saluer la persévérance et l'altruisme
sans faille - et les efforts conjugués des associations caritatives n'y suffisent pas.
Qu'on ne s'y trompe pas, au-delà de la personne de Nicolas Sarkozy, c'est bien la politique qu'il mène, dans un système
économique européen mondialisé où l'humain n'est plus que l'accessoire du financier, qui conduit au naufrage.
Il est plus que temps que les citoyens sortent de leur léthargie et montrent fermement le chemin... à leurs guides.